Sixième volet du making-of des Monstres d’Amphitrite avec un point sur le dessin, en deux temps : d’abord un retour rapide sur mon utilisation du pictogramme et ma pratique du dessin vectoriel, puis quelques points propres à ce projet.
La technique que j’emploie peut surprendre: je dessine en me passant totalement de la « gestuelle » traditionnelle du dessin, qu’elle soit celle du crayon sur le papier ou du stylet sur la tablette. J’utilise uniquement la souris, non pour tracer quoi que ce soit, mais, du bout du pointeur saisir, déplacer et modifier des tracés point par point. Mes personnages sont en réalité des squelettes, exactement comme on peut se figurer des squelettes de personnage en 3D, sauf qu’ils sont en 2D.
Au fil du temps et des bandes dessinées réalisées, j’ai tant accumulé de squelettes dans toutes les positions et d’objets et éléments de décor divers que je n’ai plus qu’à piocher dans cette réserve et à copier-coller à tout-va ! Quand cela est nécessaire, je crée de nouveaux pictogrammes. D’ailleurs, pour Les Monstres d’Amphitrite, il y a une quantité non négligeable de pictogrammes inédits !
Voilà pour ce qui était des généralités. Les Monstres d’Amphitrite voit apparaître certaines particularités de traitement. La première est évidemment le fait que la planche est en évolution permanente : tout le jeu de juxtaposition des cases ne se joue plus seulement dans l’espace de la page, mais aussi dans le temps de la lecture. Dans le billet précédent, on voit comment je procède pour le storyboard par empilement de post-it. Je fais un peu la même chose dans mes fichiers images. En réalité, un seul fichier par chapitre contient toutes les cases et combinaisons possibles du chapitre en question. Chaque case est dessinée sur un calque distinct (empilement). Je travaille la composition sur l’ensemble de la planche grâce à l’utilisation de quatre plans de travail, correspondant aux quatre emplacements prévus pour les cases (juxtaposition). L’outil « plans de travail » disponible dans cette version du logiciel a également un autre avantage considérable : chacun de ces plans de travail peut être exporté séparément. Je peux donc composer l’image sur l’ensemble de la planche et dessiner des formes chevauchant les cases tout en exportant séparément chacune des cases.
Deuxième particularité, l’usage de trames. C’est quelque chose qui est apparu il y a un peu plus d’un an dans mes bandes dessinées papier : je voulais redonner de la matière, de la texture à mes dessins, tout en conservant un côté mécanique. Quelque chose qui soit « crade », mais néanmoins machinique. Dans les Monstres d’Amphitrite, j’avais aussi besoin de masses dont je puisse me servir pour équilibrer la composition, dans la mesure où de nombreux déséquilibres apparaissaient dans les cases puisque je composais au niveau de la planche. Enfin, l’usage des trames permet de produire des effets « expressifs ».
Troisième et dernière particularité, l’inclusion d’éléments dessinés à la main. Cela fait maintenant un certain temps que j’introduis ici ou là des éléments dessinés à la main dans mes bandes dessinées. Ici, j’ai restreint cette utilisation aux emanatas et à la typographie. Cela rompt le côté mécanique pour un résultat plus expressif. Cela a été plutôt difficile à gérer puisque je ne me rappelais plus du tout de la manière dont j’avais réussi à résoudre le problème des effets d’aliasing dans un précédent projet. Du coup, je n’ai jamais pu trouver une façon de faire durable et j’ai changé pour chaque chapitre, avec un résultat assez aléatoire, qui ne me satisfait pas beaucoup…
Voilà en ce qui concernait le dessin. Les deux prochains billets vont clore ce making-of.